Cinéma – Avant que les flammes ne s’éteignent – Enfin !

Un real qui sait de quoi il traite ça donne une claque.

Mehdi Fikri, a été journaliste à l’humanité, a écrit sur les luttes sociales, le trafic de drogue et les violences policières. Il nous offre un film risqué. Pour conclure son film, le réalisateur fait défiler des images d’archives de jeunes tués par la Police, de Nahel, Zyed et Bouna, Adama, Babacar…
Homicide, bavures, racisme et police, c’est tout ça qui dégouline pendant plus d’1H45.
Une famille d’origine kabyle, un père, des enfants avec chacun une vie plutôt bien remplie pour tous, sauf que Karim est tué par la police. Un autre cinéma existe, bien stéréotypé, sur ces questions de cités, de drogués, de vols… Mehdi Fikri aborde avec délicatesse ces histoires là sans s’étendre. Il a préféré dépeindre des personnages ancrés dans une réalité française des cités tout en vivant leur vie le plus normalement. Sans doute que les années de journalisme de Mehdi Fikri ont permis de ne pas se tromper dans le traitement de l’histoire.

Un film bien financé !
Le film est financé par les institutions comme la Région Est, la ville de Colmar, il est coproduit par des chaînes comme France 3 Région, OCS et Netflix. C’est une grande surprise de voir que des chaines de télévision, et surtout locale, aiment à soutenir des films qui racontent une autre réalité sur les violences policières. C’est une production risquée parce que raconter cette histoire de front n’est pas aisée dans notre société. Or ce qui nous rassure c’est que des institutions soutiennent un film qui traite de réalités sociales et politiques parce que cela fait partie de notre histoire nationale et qu’il faut le dire. Un film ne peut se faire sans financement et si Avant que les flammes ne s’éteignent aujourd’hui est en salle c’est grâce à la prise de risque de tous. Les comédiens sont très bons, même si parfois le rythme mériterait d’être plus rapide, Camélia Jordana prend le flambeau de la lutte et défend la vérité au sein d’une famille qui commence à se déchirer. Nous sommes loin des films avec des effets visuels, des trucages et une esthétique qui laisse de côté le fond et les raisons pour lesquels on fait un film. Ce film est une rupture avec les derniers films comme Les Misérables de Ladj Ly sorti en 2019, Athena de Romain Gavras sorti en 2022 ou même le film Dheepan de Jacques Audiard sorti en 2015. L’univers de la cité est présente sans le fantasme que l’on retrouve dans tous ces films réalisés avec talent et une narration cinématographique esthétisante. Mehdi Fikri nous scotche dans notre siège de cinéma parce qu’il parle pas uniquement à nos yeux, mais à notre coeur, à notre tête et à notre monde d’aujourd’hui. L’émotion est palpable, elle n’a pas besoin de compter sur des effets visuels ou d’images de drone.

Et les femmes dans tout ça ?

L’image de la femme dans ce film est exceptionnelle, notamment par la présence d’une femme Imam et par le fait que Camélia Jordana est la Angela Davis de la cité. Une cité c’est la vie comme ailleurs ou presque. Il y a des Passionarias qui le deviennent par la force des choses, parce qu’elles n’ont pas le choix que de défendre la vie. C’est un rôle sur mesure pour Camélia Jordana, qui n’a pas eu de mal à l’incarner. On la sent à l’aise et elle se transforme au fur et à mesure de son personnage. On est bien loin des films réalisés par la bande de Koutrajmé, de Ladj Ly, Romain Gavras et cie. Parce que ces réalisateurs nous transmettent un univers masculin, où la femme est très peu présente. Même le film de Jacques Audiard est un fantasme de l’univers de la banlieue et la femme est peu visible. Mehdi Fikri lui est un homme qui aime filmer les femmes et qui leur laisse une grande place. D’ailleurs les relations entre les personnages sont saines et on sort enfin du cliché des beurettes qui jouent le rôle de kaïra ou de prostituée.

Ce film est unique en son genre.
C’est le seul à mettre en lumière ces histoires de jeunes tués par la police. Il y a eu, en 2022, le film Frangins de Bouchareb, il y a eu la série Oussekine d’Antoine Chevrollier, et c’est tout !
Ce dernier film rend hommage à tous les morts innocents. C’est un film français qui raconte un drame national.

R.B.E

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